Souvent
mes amis, surtout à Val-Paradis, me demandent : Denis, pis, la pêche aux
Territoires du Nord-Ouest, c’est comment?
Faut
être honnête, c’est pas le poisson qui manque ici, il y en a presque autant
qu’à l’Aquarium de Québec. Le vendredi de la Thanksgiving à Yellowknife à
l’entrée de l’autoroute 4, il y a un traffic monstrueux de corégones, de
harengs, d’Inconnus, de perchaudes et de truites arc-en-ciel qui partent en
vacances. On se croirait dans une boîte de sardines. En fait, les lacs des TNO,
selon la région, sont composés de 40 à 74% d’urine de poisson.
Devant le bureau de poste, t’as toujours
trois ou quatre touladis qui jouent au parchesi. Souvent, chez le barbier, y a
des barbottes qui papotent en attendant de se faire faire le tour des oreilles.
Mon psychanalyste est un brochet. Bref, il y a beaucoup de poissons ici et ils
sont généralement bien acceptés par la population locale. Mais je trouve quand
même exagérés qu’ils aient droit aux places assises dans les autobus, sans
parler de diverses déductions fiscales un peu tirées par les cheveux.
Alors
la pêche, ça va très bien, et on peut pêcher pas mal n’importe où. Dans la file
d’attente à l’urgence de l’hôpital, y a toujours un ou deux gars avec une scie
mécanique enfoncée dans le thorax qui taquinent la morue. Le bureau de poste,
vers l’heure des Simpson, est également un lieu propice. J’ai même attrapé un
brochet durant une séance de psychanalyse. Les pêcheurs les plus courageux
prennent un bateau et vont pêcher sur le lac, mais ce n’est vraiment pas
nécessaire. En fait, la pêche est tellement facile que les hameçons et les
appâts sont interdits, sinon ça ne serait plus du jeu. Faut quand même aimer la
narine, pour pêcher aux TNO, parce que les poissons d’ici ont des gros nez.
Tous ne les digèrent pas si facilement.
Parmi
les espèces territoriales les plus remarquables, on retrouve la flabouche à
groin isocèle. Il s’agit sans conteste d’un des poissons qui aiment le moins la
pêche au monde, et j’en ai vu plus d’une se défiler des pêcheurs sans éprouver
la moindre perte d’estime de soi. Son tonus narcissique, remarquablement
vigoureux, exige d’ailleurs une cuisson prolongée. Faut-il encore présenter la
perchaude dubitative? Sa perplexité a augmenté de manière draconienne l’acidité
des lacs où elle se meut, jusqu’à les rendre impropres pour d’autres espèces.
Enfin, l’habitat privilégié de la barbue douche-bag est le lac artificiellement
créé par le liquide provenant de la fracturation hydraulique. Et que dire de la
babiloche impromptue, un véritable miracle de la biologie? Cette espèce se
distingue par une glande sudoripare placée à l’extrémité de son sinus. Cette
glande est d’une productivité si phénoménale que la babiloche peut
littéralement nager dans sa propre sueur, faisant ainsi l’économie de l’eau.
C’est pourquoi on retrouve aujourd’hui la babiloche jusque dans les grands
plateaux désertiques des supermarchés et des magasins à rayons; on envisage
même de la classer « espèce envahissante ».
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